Et pourquoi pas?
Juste une réflexion qui m'oblige à une digression... Arrivée au delta du Mékong et après une bonne nuit de sommeil dans le calme de l'île de An Binh, nous prenons des forces avec un petit dèj gargantuesques et nous enfourchons nos vélos bien décidés à explorer ce nouveau lieu. Habituellement, Vincent prend Eren sur son vélo et quand Nael n'a pas de vélo à sa taille il monte avec moi, sur le porte bagage. Cette fois, il est ravi ; il a un magnifique vélo rose pile à sa taille. Pour une fois, je prends Eren avec moi. Il est ravi aussi. Deux cents mètres plus loin mon vélo fait un bond et s'arrête, j'évite la chute de justesse. C'est comme si j'avais pris une bosse mais non... derrière moi un cri de douleur s'élève crescendo... Je me retourne et découvre, horrifiée, le petit pieds d'Eren coincé entre la barre du vélo et la roue. Son pieds est bien coincé. Je recule doucement pour le sortir... La peau sur le talon d'Achille est arrachée, le sang coule et un gros hématome s'est déjà formé... Le pauvre, pourtant pas douillet, hurle “j'ai mal... j'ai mal...”. Heureusement, on n'est pas trop loin. Je cours déposer mon vélo et les grands qui me suivent affolés. Je demande de la glace et cours rejoindre Vincent qui avance péniblement avec Eren et son vélo.
On pose le blessé dans un hamac. On réfléchit un peu mais l'hématome est quand même important, Eren se plaint et de toutes façons on n'a plus grand chose pour faire de vrais pansements. Du coup, Vincent prend la direction de l'hôpital de Vinh Long avec Eren pour faire une radio.
Deux radios de la cheville. Le diagnostic est rapide. La cheville n'a rien d'autres qu'un gros hématome. Vincent s'approche du médecin pour payer. Celui-ci parle très peu anglais mais lui répond “Go home.” Vincent reprends : “.But, I want to pay.” Le médecin répète “Go home. You are not in your country. I know it's difficult. Go home.” Un geste humain, simplement.
Nous n'avons donc pas payer l'hôpital. Nous avions les moyens de payer. L'IRM d'Eren, en Chine que nous avons avancé ne nous a pas coûté bien cher par rapport à ce qu'il nous aurait coûté en France. Nous sommes partis pour nous rassurer à l'hôpital comme on a l'habitude de le faire chez nous. Alors, le soir, nous nous sommes demandés combien de médecin en France et en Occident ont déjà fait ce geste pour des gens qui en ont vraiment besoin ? Pour des familles qui économisent pendant des années pour voir un médecin compétent en Occident ? Pour des migrants qui se retrouvent démunis sur nos territoires ? Pour des sans papiers qui n'ont pas de couverture sociale ? Combien ?
Ce n'est qu'une petite réflexion inspirée par tout ce que nous voyons ici. Les contrastes. Juste une main tendue vers l'autre, parfois, c'est bien aussi. Alors, pourquoi pas?
